Neuroland-Art

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Un oeil au beurre noir te Kirkegaard (Le rayon des invendus)

De notre nouveau correspondant itinérant, abonné de la ligne Berne - Canton : Kurt Peï ; celui qui prit comme devise : plus mon style sera ampoulé,  mieux mes propos seront éclairés.


Le rayon des invendus


NdW : du temps qu'il était coursier chez un libraire, il y a plus d'un demi siècle, le Webmestre, sillonnant à vélo les cinquième et sixième arrondissements, calculait le trajet optimal permettant de réunir économiquement les maisons d'édition. Dans sa sacoche pesaient tristement les invendus, qu'il avait la charge de retourner. La collision de la lugubre période des retours, avec un texte plus récent, dont le commanditaire a oublié qu'il en avait validé la livraison, a ravivé le chagrin des promesses déconvenues, et la pitié inspirée par les récusés. Désormais les étagères de Neuroland-Art seront offertes aux textes oubliés, aux manuscrits désolés, jusqu'aux essais manqués dont Pavu Paprika aura été le témoin navré. 


aujourd'hui : Un oeil au beurre noir te Kirkegaard.


    Attendrait-on qu'un neurologue enracine la séduction dans la substance neuronale, avec le même entrain qu’un endocrinologue - un exemple dérobé au hasard - la riverait à l’hypothalamus ? Si je possède en effet quelques rudiments de cette logique, je les garderai par-devers moi, n'étant pas doté d'assez de cruauté pour infliger à mon prochain la brutalité des assauts sans nombre qui se passent de préliminaire, et réduisent la séduction à un mode retors de reproduction, alors que le procédé pourrait être tellement simple. Mais force est de reconnaître qu’un tout-puissant aléatoire a généré une nécessité aveugle sélectionnant quantité de stratagèmes, pièges et chausses-trappes dont la complexité contribue à un renouvellement de l’espèce suffisamment approximatif pour laisser place à l’erreur. Ce que je puis révéler sans risquer d’endommager l’illusion fragile que la séduction vaut la peine que l’on se donne, suppose la rupture de secrets que l’on m’a pourtant confié comme au locataire d’un tombeau. Cette confidence emprunte la forme d’une construction gigogne assez vaste pour accueillir un peu de la diversité du vivant, dont celle de l’humain, en remarquant que séduire est pour certains l’affaire d’un instant, pour d’autres une entreprise laborieuse à l’échéance incertaine, et pour tous une conduite dont le sens profond n’apparaît que rarement et toujours trop tard.


La répétition


     Sous un auvent de branches feuillues il entasse des fleurs rouges qu'il coupe d'un coup sec à l’aide de son bec semblable à celui de l’un des pinsons que Darwin scruta aux îles Galapagos. À côté des fleurs, il a déjà disposé des amas de baies bleues, de champignons oranges, des brindilles moisies d’un teint violacé, empilé des coquilles grises de limaçons, des bouchons rouges de bouteilles en matière plastique, les plumes échappées du croupion d’un cousin volatile. Si le trombone vert perdu entre deux agrégats nous semble insolite, il est gratifié de quelques mouvements de bec dans l’hypothèse qu’un semblable l’avoisine, et deux trombones verts ce serait déjà une amorce de tas. Il ne sera pas simple de naturaliser le concept de même dans la cervelle minuscule de ce collectionneur compulsif illustrant parfaitement la notion anglaise de punding, un comportement de répétition, se manifestant parfois par une accumulation irrépressible d’objets, qui affecte certains patients parkinsoniens.

       L’oiseau-jardinier de Nouvelle-Guinée1 (Amblyornis inornatus) travaille seul, parfois pendant trois ans ; ignorant qu'autour de lui, dans un périmètre d'un hectare environ, une douzaine de ses congénères ont chacun de leur côté construit une hutte semblable, chacune décorée d’une manière originale. Une femelle vient le visiter. Elle sautille d'un amoncellement à l'autre. Pour une raison qui n'est pour l'instant pas mesurable, tandis que le mâle auteur de ce traquenard coloré effectue une danse ridicule et tente quelques vocalises témoignant de son excitation, elle s'envole, poursuit sa tournée de gite en gite jusqu'à ce qu'un signal phéromonal plus saillant que la dizaine d’émanations qui coexistent à ce moment-là dans ce territoire-ci, la retienne le temps d’un accouplement. Trois ans d’effort pour un contact de quelques secondes dont nous ignorons s’il est source de plaisir. Et beaucoup resteront seuls devant leur habitat comme un agent immobilier en temps de crise. Nous pouvons seulement inférer qu’une tension majeure maintient la continuité de l’entreprise de l’oiseau-jardinier, alors qu’il n’a probablement pas la moindre idée de qui viendra visiter son oeuvre. Magritte, dont la seule prétention était que ses productions retinssent l’attention d’un visiteur de galerie, récusant toute velléité d’interprétation, disposait ses pièges sur des murs, ajoutant à l’attraction d’images d’objets dont la coexistence insolite feraient apparaître l’étrangeté, le vertige d’une signification souterraine.

       Le Vogelkop bowerbird - c’est ainsi que l’on doit nommer ces oiseaux-là lorsque l’on prétend les connaître un peu2 - n’est pas équipé pour plaire. D’une couleur brunâtre ou olivâtre, il est dépourvu de tout plumage ornemental. On laissera la responsabilité d’une interprétation directement inspirée par la Providence, aux lecteurs pressés de penser que les installations colorées de son logis compenseraient la banalité de son apparence.

1 1) Borgia, G. 1986. Sexual selection in bowerbirds. Scientific American 254: 92-101. 2) Borgia, G. 1985. Bower quality, number of decorations and mating success of male satin bowerbirds (Ptilonorhynchus violaceus) : an experimental analysis. Animal Behavior 33: 266-271. 3) Borgia, G & Albert, J. C. U. 2000. Sexual selection drives rapid divergence in bowerbird display traits. Evolution 54: 273-278. 4) “Life the Vogelkop Bowerbird: nature’s great seducer BBC one,” by BBC. Youtube, 5 November 2009

2 il est de bon ton de préciser qu’ils habitent la péninsule de Doberai, également connue sous le nom de Vogelkop, ce qui signifie tête d'oiseau en néerlandais.

  • Étapes sur le chemin de la vie

       Qatu le dénicheur a réussi à capturer un Paradisier de Raggi dans les montagnes Arfak. Un représentant de l'une des trois cents soixante-quatre espèces d'oiseaux que le naturaliste Ernst Mayr a caractérisées, entre 1928 et 1930, et dont l’étude lui a permis d’accéder à la notion de spéciation. Notion dont se passent assez bien les papous, qui distinguent sans rien connaître de la taxinomie ornithologique trois cent soixante-trois variétés3. Qatu a prélevé trois plumes, les plus longues, aux couleurs les plus vives ; il en a compliqué le couvre-chef qui lui permettra de paraître au congrès de sa tribu. Il faut préciser : de paraître semblable aux autres, qui participent à la cérémonie. D’un clan à l’autre, les parures nuptiales varient : ici les plumes colorées couronnent la tête, associées aux peintures rituelles du visage ; là des colliers de dents de cochon recourbées, ou de dents de chien dont le nombre indique combien on en a mangé ; ailleurs de petits coquillages blancs, les cauris, servant aussi de monnaie, enfilés comme des perles, ou de larges pendentifs de nacre ; plus loin des os d'ailes de chauve-souris, ou des mandibules d'insectes traversant la cloison nasale. Au cours des danses rituelles, hommes et femmes seront réunis, selon des règles de combinaison clanique précises, telles qu’aucune mésalliance ne survienne. Cela a-t-il un sens de souhaiter que la femme à laquelle Qatu sera lié ne soit pas convoitée par un autre, ni que la femme qu'il convoite ne soit attribuée à un autre ? Combien de ces papous, hommes et femmes, demeurent-ils seuls à l’issue de la cérémonie ? Aucun ethnographe ne le mentionne, tous les récits se bornent à décrire le rituel du mariage collectif. Si l’on suit l’anthropologue Cordrington4, les moeurs sont assez libres en Papouasie, au point que l’on y tolère sans pourtant l'approuver officiellement le commerce intime entre les jeunes gens des deux sexes, dans les limites où le mariage est permis : hors de là, il y a une faute grave, il y a inceste.

      En Papouasie, une femme ne doit pas être du même côté de la maison que son mari. Elle doit être à la porte. Ces phrases écrites sans guillemets nous paraissent étranges. Qatu, une fois marié, amena à sa femme deux petits frères jumeaux, enfants de sa sœur. La femme de Qatu demanda alors à son mari : Sont-ce mes enfants ou mes maris ? A quoi Qatu répondit aussitôt : ce sont sûrement vos maris, puisque ce sont les enfants de ma sœur.

     J’espère avoir réussi a retenir votre attention : non que cette réplique soit surréaliste, elle est d’une logique implacable dans la Théorie de l’esprit des papous. Ce qui signifie : Entre vous et ces petits garçons, il n'y a aucune consanguinité utérine ; ils appartiennent donc à un groupe dans lequel vous aviez le droit de prendre un mari. En vertu de ce système de parenté, toutes les femmes - au moins celles de sa génération - sont, pour un Papou, ou des sœurs ou des femmes » ; et réciproquement, pour une Papoue, tous les hommes sont ou des mères ou des maris. J’ai entendu parler de quelqu’un que l’on l’appelait l’homme aux sept femmes : il était convaincu qu’il possédait une sorte de droit de commerce intime avec toutes les femmes non mariées ; c’est--dire, qui auraient pu être ses femmes. D’autres, des acteurs ou des peintres par exemple, sont convaincus qu’ils peuvent jouir du même commerce intime avec toutes les femmes qu’elles soient mariées ou non à la condition qu’elles ne soient pas leurs soeurs, en vertu du principe de potentialité. On comprend mieux le comportement de son prochain lorsque l’on connaît les lointaines structures élémentaires de la parenté.

3 actuellement on distingue 851 espèces résidentes ou de passage
4 Codrington. Mélanesians, (Anthropology) ; toutes les citations en italiques sont extraites de son ouvrage


Crainte et tremblement 


      Les neveux de Qatu furent adoptés par un couple d’australiens presbytériens qui les acculturèrent activement en commençant par les rebaptiser Hezron et Hamul. Tous deux entreprirent des études de médecine. Le patron d’Hezron à l’université de Perth lui raconta plusieurs fois, non qu’il ignora l’avoir déjà narrée, mais il était très satisfait de sa façon de la dire, l'histoire de Banting, le découvreur de l'Insuline : tout au moins sa version de l’histoire, car jamais Hezron ne put vérifier l’authenticité des faits. Amoureux de la fille du directeur de son université, Banting se serait fait éconduire par celui là même dont il rêvait d’épouser la progéniture, au motif de sa plus que modeste extraction. Aiguillonné par le refus plus encore que par la passion, pris dans les rets d’une variété atypique ce que René Girard appelle le désir mimétique, et sans doute soutenu par un mélange subtilement dosé de dopamine et de testostérone baignant un réseau neuronal relativement fringant, Banting eût raison des résistances de la science avant de briser celles de son futur beau-père et réussit la synthèse de l’insuline. Ayant reçu le prix Nobel, il épousa la fille du recteur, mais sur ce genre de revanches sociales se construisent des relations conjugales précaires, et la fille fait les frais de l’affront que le père vous infligeât. Un divorce conclut cette histoire moins de deux ans après le jour des noces. C'est entre vingt et trente ans, commenta le patron à l’intention d’Hezron - alors âgé de trente-et-un ans -, qu'ont lieu les plus grandes découvertes scientifiques.

      Hezron se jeta à tête perdue dans la rédaction de sa thèse. Son travail portait sur les encéphalopathies spongiformes subaigües, une manière distinguée et globalisante d'évoquer des maladies désormais comprises comme contagieuses alors que l’on pensait lorsque les premiers cas en furent rapportés qu’elles étaient dégénératives : les plus connues étaient la maladie de Creutzfeldt-Jakob, l’encéphalopathie du vison, laquelle anticipait la maladie de la vache folle avec une vingtaine d’années d’avance, et le Kuru, mot qui signifie trembler dans l’un du millier de dialectes de Papouasie. Il consacra un long chapitre au mode de transmission de ce dernier, lors du cannibalisme rituel que décrivirent les premiers découvreurs des Fore, un peuple vivant à l'âge de pierre dans les plateaux de Haute Guinée. Les Fore sont perdus au milieu d’autres tribus avec lesquels ils entretiennent des relations souvent hostiles mais qui ne sont pas affectées par le Kuru. Ces anthropophages l'intriguaient au delà de leur pathologie pour une raison particulière : les ethnologues qui adorent les explications tourmentées - et celle du Kuru en est un excellent exemple - ont eu beau chercher dans les moindres recoins de la culture Fore, ils n’ont trouvé d’autre argument à cette inclination gastronomique que précisément la raison du goût. Aucune trace d’un rituel sophistiqué, d’une croyance à propos de l’acquisition de telle force ou de telle vertu par le truchement de l’ingestion d’autrui, pas d’utilitarisme - manger ses morts étant un moyen comme un autre de se débarrasser des cadavres. Sauf si l’on ajoute la locution adverbiale : pour de bon. S’en débarrasser pour de bon : autrement dit, le seul motif justifiant de manger sa grand-mère est que sa chair est savoureuse. En outre, lorsqu’il y avait pléthore de décès par exemple, un clan pouvait faire cadeau - dans l’espérance d’un retour sur investissement - d’un cadavre appétissant à un clan allié. Or une rumeur se répandit5 : la chair des papous emportés par le Kuru avait une saveur particulièrement délicieuse. Je laisse l’imagination du lecteur calculer la raison géométrique de la progression de la maladie dès lors que la nouvelle se répandit à la vitesse d’un cochon sauvage pourchassé.

      Hezron consacra trois années à la rédaction de ce travail. Lorsqu’il reçut le prix de thèse, une médaille dorée gravée à son nom, celle pour laquelle il avait conçu une dédicace enflammée et projeté de lui offrir sa récompense était depuis longtemps partie vivre avec son frère jumeau. Celui-ci appartenant au groupe des maris possibles de celle-la, lui fit comprendre quelque chose de très banal au sujet de leur relation dans la mesure où l’un prit pour objet de son désir celui de l’autre. C’est donc à sa rancoeur qu’il fit violence puisque la fraternité, c’est sacré, même à titre posthume si l'on s'appelle Caïn ou Romulus.

5 Glasse Robert. Cannibalisme et Kuru chez les Fore de Nouvelle Guinée. In : L'Homme, 1968, tome 8 n°3. pp. 22-36.


Traité du désespoir


      Une nuit de février à Copenhague, au sortir d’un symposium, Hamul - qui se faisait désormais appeler Samuel - à la limite de la congélation se trouva projeté dans un taxi en compagnie de l'homme à la cervelle d'or, celui dont Alphonse Allais raconta l’histoire. Ainsi Samuel surnommait-il vingt années plus tôt son mentor. Lequel ayant englouti une demie- bouteille d’aquavit thermogène avant de monter à la tribune, s’était effondré sur le pupitre mis à disposition du conférencier, un cocard périorbitaire droit d’un noir de suie se développant inexorablement tandis qu’il bredouillait sa communication. Son ancien élève feignit de ne pas le reconnaître afin de ne pas froisser la vanité qui l'enveloppait d'un drapé impeccable. Entre eux le portier avait précipité une jeune femme, dont le vieillard martelait le genou gauche avec un exemplaire écorné du journal d’un séducteur tout en déversant à son intention un flot de paroles ébrieuses. La jeune femme demeurait très polie sous l’outrage et sans trop tourner la tête imposait une tension constante à son regard, vers la gauche. Samuel - lequel était assis à sa droite - ne percevait que le blanc nacré de ses conjonctives.

      Samuel tentait d’évaluer la résultante des forces en présence, en leur affectant une valence émotionnelle, si tant est que soit provisionnée de sens la comparaison d’un ring surchauffé et de l’intérieur frigorifié d’un taxi danois bringuebalant sur une chaussée enneigée depuis le très excentré palais des congrès jusqu’au coeur de la ville. À gauche un prédateur éméché rencontré à l’occasion d’une conférence un quart de siècle après une entrevue houleuse, à l’évidence incapable de reconnaître son élève. À droite un papou neurologue qui n’avait pas ouvert la bouche ni croisé son regard depuis qu’on les avait enfournés d’office dans l’automobile, et tendait l’oreille, écoutant ce désormais vieillard qui avait été autrefois son maître tenter de raconter le plus grand nombre possible de conquêtes dans le minimum de temps et, ultime prouesse, dans la langue de Shakespeare en insistant sur la variété des combinaisons posturales. Sa rhétorique postillonnante s’échouait dans la cervelle de leur voisine mitoyenne, telle un banc de veaux marins fourbus et transis sur une grève de la mer Baltique. Il tentait de convaincre la jeune femme de l’influence décisive de l’hypothalamus et de quelques molécules - la lulibérine, la leptine, l’ocytocine, la dopamine - sur son comportement amoureux, se pavanant comme l’un de ces volatiles sénescents, dont ne demeure que le cri horrible tandis que la perte de leurs plumes a dévoilé leurs pieds monstrueux. Samuel se rappelait les visites le matin dans le service. Le mandarin capturait d’un regard globuleux l’attention de l’un de ses subalternes et l’engageait dans une discussion qui n’avait aucun rapport avec ce dont on aurait dû parler, la radiographie de madame X ou les résultats de la ponction lombaire de monsieur Y. La fascination qu’il exerçait alors suscitait chez tous ceux qui l’approchaient l’admiration, la plus détestable des passions selon René Descartes.6

      Samuel remarqua qu’il ne cillait plus, les yeux écarquillés, le visage empourpré, la lippe humide et flappie. S’ils s’étaient retrouvés dans un ascenseur étroit abandonné à une chute sans fin, le pet-de-loup lui aurait tourné le dos, et de sa bedaine aurait étouffé son interlocutrice. La différence d'âge, une toute petite trentaine d'années, ne le préoccupait pas plus que cela. Au contraire, il devenait de plus en plus hardi dans ses propos, à la fois décousus et débraillés, et intrusif dans ses questions. And concerning ocytocine, everything works well ? Sans pouvoir le vérifier Samuel comprit que son voisin tenait désormais le journal du séducteur dans sa main gauche et avait posé sa main droite sur la cuisse de leur voisine. Une contraction trémulante de son poing lui rappela la puissance de notre tendance à rétablir la symétrie formelle lorsqu’elle est contrariée : l’hématome oculaire unilatéral droit appelait une rectification sénestre urgente. Il détourna son regard vers la vitre constellée de gouttelettes tremblotantes ; quel accident les avait-il embarqués dans cette course tarifée, son épouse Tamar qu’il avait subtilisée à son frère, lui-même, et l’homme à la cervelle d’or gaspillant ses derniers feux ? ( chez les Papous dépenser se dit gaspiller ). L’idée perla, fragile comme l’un de ces milliards de flocons qui tournoyaient dans l’obscurité avant de se fondre dans la chaussée boueuse, que du point de vue de la stricte économie, séduire demandait une dépense d’énergie considérable pour obtenir en fin de compte très peu de chose, voire rien du tout. Pour l’instant on roulait à vive allure, et fuyant le vertige il ferma les yeux, attentif aux prodromes de l’angoisse qui d’un moment à l’autre allait l’étreindre, lorsqu’il lui faudrait prendre une décision.


 
Berne, le 31.XII.2012, Canton, le 1.I.2013