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Paysage après la pluie de Théodore Rousseau (notre arc-en-ciel quotidien)



Théodore Rousseau (1812-1867)  Paysage après la pluie 183? Musée de Dresde


    Théodore Rousseau (1812-1867) manifeste des dons de peintre dès son enfance. Son cousin, le paysagiste Pau de Saint Martin fut son premier maître ; sa vocation fut encouragée par ses parents aisés. Rebuté par l’enseignement académique, il chercha sa leçon au Louvre auprès des maîtres anciens : Claude Lorrain et les paysagistes hollandais. Dans son interprétation analytique de la nature on observe les influences de Constable, van Ruysdael et Meyndert Hobemma (1638-1709) peintre de l’école hollandaise. Son travail évoluera au fil de ses voyages: les sites sauvages de l’Auvergne vont lui inspirer des paysages romantiques (1830); deux voyages en normandie lui révéleront la lumière des ciels marins (1831, 1832). Il expose au Salon pour la première fois en 1832.

    Rousseau s’installe à Barbizon en 1836, dans l’auberge que tient François Ganne. Il a vingt-quatre ans, le caractère mauvais entretenu par le rejet de et la précarité de ses amitiés; Théodore Rousseau est un misanthrope, les personnages sont exclus de ses toiles. Il ne participe à aucun salon de 1836 à 1849, et s’enferme tant qu’il n’est pas reconnu dans une solitude bougonne qui contraste avec l’animation joyeuse de mise à l’auberge, où bientôt une quarantaine de peintres prennent pension. Rien de commun entre les pensionnaires n’aurait permis de justifier l’appelation « Ecole de Barbizon » sinon le partage de ce lieu de résidence. Les visiteurs sont nombreux : Daumier, Ziem entre deux voyages à Venise ou à Constantinople. Suivront Sisley, puis Monet, Bazille, Renoir, et plus tard encore, Cézanne, Seurat.

    Théophile Thoré à distingué trois manières successives chez Théodore Rousseau : la « jeunesse fougueuse, étonnante d’originalité et de poésie » ; puis « la pleine possession de soi-même, la sérénité » ; enfin « je ne sais quel tourment, des raisons mirobolantes qui remplacent la spontanéité ». C’est pourtant sur le tard qu’il est comblé d’honneur, et sa situation matérielle  Le paysage à l’arc-en-ciel peint dans les Pyrénées en 1844 , exposé actuellement à Prague, appartient à la seconde période, ou à la charnière entre la première et la seconde période. Le paysage après la pluie exposé à Dresde n’est pas daté.

Théodore Rousseau (1812-1867)  Paysage après la pluie 183? Musée de Dresde

    On comprend bien, avec Théophile Gauthier, que le Romantisme ne s’est pas développé seul, en successeur de l’art classique. Il est indissociable du naturalisme, partageant la même maitresse et si l’on veut donner une signification à cette opposition, il suffit de comparer l’attitude de Rousseau, et celle de Delacroix. Les romantiques ont pour la nature d’un amour passioné, un élan qui leur fait y voir leur être même ; « la nature n’est que le prétexte, l’art est le but, en passant par l’individu », écrit Jules Dupré, un des amis de jeunesse de Rousseau. Les naturalistes au contraire s’effacent devant leur source d’inspiration, se veulent miroir et tendent vers un réalisme proche de l’attitude de Constable : jusqu’à celle de Courbet, qui déclare péremptoirement que « le beau est dans la nature ». Dans l’histoire des mouvements picturaux, le naturalisme succède au romantisme dans la faveur du public et des critiques : dans la pratique des peintres, ces deux tendances coexistent, l’une prenant le pas sur l’autre, depuis des lustres. L’exactitude de Constable est déjà présente chez les Hollandais. La fougue de Turner est .

L’arc-en-ciel est dans ce débat un accessoire peu théorisé : même le plus précis des paysagistes en fait un objet improbable, et la diversité des arcs de Turner rend compte de la variété de la perception comme le traité de Priestley rendait compte de la difficulté de définition à partir de la disparité des descriptions scientifiques entre guillemets.

Charles Baudelaire en 1859 parle, dans le chapitre du Salon qu'il lui consacre, du paysage étudié pour lui-même comme d'un "genre inférieur", et du "culte niais de la nature".

A l'opposé du lyrisme et de la poésie du paysage, on rencontre la satire et la dérision de Gustave Flaubert :
- Sur le groupe de Barbizon : L'éducation sentimentale (1869), 3e partie, chapitre 1.
- En relation avec la démarche impressionniste : Bouvard et Pécuchet (1881), Gallimard, coll. Folio, p. 88 et 382.
Dans le Dictionnaire des idées reçues qui fait suite au roman, Flaubert écrit, à la lettre P : "Paysages de peintres : toujours des plats d'épinards !"

On peut illustrer ce propos en mentionnant la pétition signée au début des années 1850 par les peintres de Barbizon pour obtenir que soit interrompu le défrichement de la forêt de Fontainebleau et protégés les sites de Barbizon ou de Chailly. Théodore Rousseau fit jouer ses relations parmi des députés afin que soit pris un décret de loi protégeant le site ; ce qui fut fait en 1856.

Théodore Rousseau (1812-1867)  Paysage à l’Arc-en-ciel (Pyrénées) 1844 Musée de Prague

Théodore Rousseau (1812-1867)  Paysage sous la Tempète 1835 Musée de Prague