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Rendez-moi mes limbes (Les pyrosis d'Emilio Campari)

 Sa plume trempée dans l'éthanol n'épargne personne et n'engage que lui

de notre correspondant spécial à Cologne, Emilio Campari, le 22 Décembre 2008,


Cette semaine : Rendez-moi mes limbes

“Masques crispés d’enfants sanglotant dans les limbes”.
Victor Hugo, Le seuil du gouffre
 

    Parfois vous avez le sentiment d'être privé de quelque chose d'essentiel. Vous ressentez un manque, une vague impression qu'on vous a piqué quelque chose - un peu comme ma mère et ses petites cuillères à café en vermeil qui disparaissent chaque jour un peu plus que la veille et un peu moins que le lendemain - et puis vous identifiez le larcin, et si vous avez beaucoup de chance, le larron. C'est ce qui vient de m'arriver. Je prierai donc solennellement Joseph Ratzinger de me rendre mes limbes.

   Pour ceux d'entre vous qui s'imaginent que l'on peut se permettre d'être anticlérical sans connaître à fond l'histoire religieuse, je rappellerai avec condescendance, que les limbes sont un endroit des plus pratiques, divisé en deux sections, l'une réservée aux patriarches, l'autre aux nouveaux-nés trépassés sans avoir bénéficié du code d'accès au paradis que l'on appelle le baptême.

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Andrea Mantegna Descente du Christ dans les Limbes Frick Collection

       Le
20 avril 2007, la commission théologique internationale de l'Église catholique romaine a supprimé les limbes. Cédant à la mode de la simplification des procédures, sous la pression des réformistes ( je suppose qu'un jour ils exigeront de remplacer la fresque du Jugement Dernier de la Chapelle Sixtine par une oeuvre plus lisible ) et sans avoir réfléchi aux conséquences d'une telle décision. Faire disparaître une notion sans même avoir eu le temps de la cerner tout à fait, relève de la prise de risque insensée. Comment prévenir de cette fin de bail, la quantité d'innocents massacrés par la soldatesque romaine, avortés par des faiseuses d'anges, décimés par les pestes et les choléras, éliminés par ce puissant système régulateur de la surpopulation que l'on appelle l'infanticide ?

       Plus généralement, on ne gagne rien à renoncer à la complexité. Regardez ce désastre qu'est la conception simpliste nord-américaiine de la maladie d'Alzheimer. Alors que l'univers des démences dégénératives offre à l'esprit curieux une plaisante diversité.