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Grincheux à l'académie
Sa plume trempée dans l'éthanol n'épargne personne et n'engage que lui
De notre envoyé spécial dans le sixième arrondissement, Emilio Campari, le 3 Juin 2008
Jean Clair a été élu à l'Académie Française le 22 du mois dernier. Une drôle de nouvelle, un peu comme si j'apprenais que l'on avait décerné le prix Nobel à l'inventeur de la roulette russe. Une information qui déclencha subito un méchant prurit méningé rebelle à toute thérapeutique, résistant au demi-litre de Pisco sour ingurgité dans l'urgence. Passée une phase d'anéantissement, je m'interrogeai sur la raison de ce choc antigénique. Pourquoi ce nom somme toute d'une banalité navrante provoquait-il en moi une telle réaction de rejet ? je me suis rappelé soudain, alors que quelqu'un allumait une radio, un certain Samedi matin, au mois de Mars dernier. J'écoutais l'émission Répliques animée par Alain Finkielkraut, dont l'éloge n'est plus à faire ( de l'émission et du philosophe ). Ce dernier avait convié quelques spécialistes du monde de l'art autour du thème Malaise dans les musées. Titre efficace, j'ai rarement éprouvé un sentiment de mal-à-l'aise radiophonique pire que lors des échanges du susnommé Jean Clair avec l'autre invité de Finkielkraut, un cinéaste qui filme des oeuvres d'art si mon souvenir n'est pas trop fumeux. Jean Clair était désagréable, hautain, parfois franchement insultant, accablant de son mépris d'historien les malheureux amateurs d'art.
Mais ceci n'aurait été qu'insignifiance, si le personnage n'avait proféré deux énormités que je récupère in extremis dans mes hippocampes alors que j'écris ces lignes : primo, une diatribe à l'encontre de la fréquentation excessive de la Chapelle Brancacci de l'église Santa Maria del Carmine à Florence, où l'on ferait la queue pendant deux heures pour payer au prix fort le droit de rester dix minutes devant les fresques de Masaccio et de Masolino. Bien, Monsieur Jean Clair est élitiste, nous n'allons pas ici contester le droit de quelques-uns à l'être. Le problème est : Monsieur Clair est-il membre de fait de ce club restreint ?
Le projet de Jean Nouvelle pour le Louvre d'Abu Dhabi
Deuxio, une sortie bienvenue comme un cheveu sur la soupe alors que le débat tournait autour de l'installation d'une émanation du Louvre à Abu Dhabi : Monsieur Clair annonce qu'il travaille à la rédaction d'un ouvrage démontrant que l'observation des peintres est à l'origine du développement de la science occidentale. Je ne me rappelle plus exactement les épithètes utilisés, extraordinaire ou fabuleux ou autre, mais j'ai moi-même passé quelques dizaines d'années à non pas tenter de démontrer, mais constater l'inanité scientifique de l'immense majorité des artistes. Il suffit de lire l'ouvrage de Kullmann sur l'arc-en-ciel pour se convaincre du dédain absolu des artistes majeurs pour les théories scientifiques - au point que ceux d'entre eux qui se conforment à ces dernières se couvrent le plus souvent de ridicule.
Mais ceci ne serait que billevesées, si je ne m'étais souvenu d'une escroquerie intellectuelle dont je fus la victime. Il faut s'être levé bien tôt pour prétendre occuper ma cervelle, le temps d'un livre, d'un morceau de musique, d'un film, a fortiori d'une exposition. Ceux qui ont écrit à propos de la Mélancolie : “Génie et folie en Occident", qu'il s'agissait d'une merveilleuse, d'une exceptionnelle, d'une brillantissime prestation l'ont-ils seulement parcourue autrement que lors d'une course en sac ou à l'envers, les yeux bandés ? Ou bien sont-ils ignorants au point de s'être laissés berner par tant de suffisance ? Voire enfin, et plus probablement encore, ai-je assisté à une nouvelle version du Roi nu ? Je pourrais dresser la longue liste des omissions, des oublis majeurs de cette laborieuse exposition - cinq années pour aboutir à ce résultat ! ; insister sur l'indigence de la partie consacrée à l'aspect clinique de la mélancolie ; la seule citation de la phrase qui fermait l'exposition suffit à faire comprendre au lecteur le degré d'exaspération que l'on pouvait atteindre au sortir du Grand Palais. Malheureusement le Pisco Sour a eu raison des trois cellules chargées de graver cette phrase dans mes réseaux corticaux. Ami lecteur, rafraichit ma mémoire par pitié.
Comment un être aussi imbu de lui-même, borné, intolérant, injurieux envers son prochain, médiocre dans ses réalisations, peut-il avoir réuni suffisamment de suffrages pour occuper un siège sous la Coupole? Mais surtout, comment une pensée aussi atrophique peut-elle avoir fait illusion ? Plus encore que Grincheux, c'est Simplet qui vient d'être accueilli Quai Conti.
Date de création : 04/06/2008 : 01:18
Dernière modification : 20/04/2010 : 20:08
Catégorie : Les pyrosis d'Emilio Campari
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